espagne

Fin mai, PODEMOS, le parti des « indignés » a réalisé un coup de tonnerre en faisant une irruption fracassante dans le jeu politique espagnol… Conséquence de la crise économique, conséquence de la corruption, conséquence de la crise territoriale; d’aucuns estiment que ce résultat est révélateur des problématiques profondes qui touchent une Espagne contemporaine toujours hantée par ses vieux démons. La crise économique serait-elle terminée ? D’où proviennent ces affaires de corruption qui secouent la péninsule ibérique ? Comment interpréter les tendances séparatistes de la Catalogne ? Comment expliquer la nette percée de PODEMOS aux élections de mai 2015 ?

Tu prépares tes oraux de langue en espagnol et l’imparfaite connaissance de l’actualité te pénalise ? Découvre notre nouveau rendez-vous quotidien, « Il était une crise », pour qu’en cinq chapitres seulement tu puisses être entièrement capable de répondre aux questions posées ci-dessus et réaliser ainsi des oraux d’espagnol dignes de ce nom ! C’est « il était une crise », et c’est une exclusivité Major-Prépa !

[CHAPITRE 1/5] La crise économique frappe l’Espagne de plein fouet

1/ Quels sont les facteurs de la crise économique qui frappe l’Espagne ?

En suivant l’analyse de Paul Krugman dans Sortez-nous de cette crise… Maintenant !, grâce à son intégration dans la CEE en 1986, l’Espagne postfranquiste a pu bénéficier de la confiance des marchés. Ainsi l’Espagne, en pleine reconstruction, a vu ses banques pouvoir se financer à taux bas sur les marchés. Dans ces conditions les taux d’intérêt des prêts octroyés aux particuliers espagnols ont diminué drastiquement ce qui a favorisé la relance de la consommation, de l’investissement et de la croissance en Espagne. Pour autant, cette chute des taux d’intérêts a eu sur le long terme des conséquences indirectes pour partie à la base de la crise actuelle.

      a) Raisons internes

           i) L’abus du crédit, le gaspillage et la corruption : l’exemple de l’aéroport de Ciudad Real

L’abus du crédit a conduit à un endettement colossal des ménages espagnols. Il a également conduit à de nombreux cas de gaspillage et de corruption. A Ciudad Real (ville de 70 000 habitants, à une heure en train de Madrid), le maire de l’époque avait entrepris, moyennant un investissement de 500 millions d’euros, la construction d’un aéroport ultra-moderne. Inauguré fin 2008, l’aéroport n’aura servi à… Rien si ce n’est à occasionner un énorme gâchis, endetter la ville et la région et enrichir le maire de l’époque et ces acolytes ! Car c’est sur fond de corruption et de pillage des fonds publics que cette affaire s’est déroulée. En effet comme le dénonce François Musseau dans son reportage effectué à Ciudad Real (http://www.liberation.fr/economie/2012/08/13/a-ciudad-real-la-fin-des-megalos-mannes_839598), les pouvoirs en place en ont profité pour détourner des fonds publics en surtaxant les prestations aux investisseurs privés de mèche avec les pouvoirs en place, c’est ainsi que 40 millions € auraient été versés à fonds perdus.

           ii) Cet abus du crédit a eu pour corollaire la création d’une bulle immobilière.

Selon le ministère espagnol du logement, les prix de l’immobilier ont augmenté de 91% entre 1995 et 2007. Cette bulle est encouragée par la spéculation (puisque les prix de l’immobilier augmentent continuellement et que l’achat de biens immobiliers est favorisé par le crédit facile; si j’achète des biens immobiliers, je suis sûr de les revendre qui plus est à un prix supérieur au prix d’achat, j’ai donc intérêt à acheter de nombreux biens immobiliers, d’où la construction massive de biens immobiliers en Espagne). Mais comme toute bulle spéculative, cette bulle immobilière a éclaté et par conséquent de nombreux propriétaires se sont retrouvés en negative equity (ce qui leur reste à rembourser à la banque est bien supérieur à la valeur du bien immobilier) et donc obligés de revendre leur bien immobilier et de perdre leur maison : ce sont les desahucios.

          iii) Enfin, la distorsion entre hausse des salaires et augmentation de la productivité a entraîné une baisse de la compétitivité de la main d’œuvre espagnole par rapport à la main d’œuvre allemande par exemple

Les salaires espagnols ont augmenté bien plus rapidement que la productivité de la population espagnole. Dans ces conditions, lorsque l’euphorie est retombée les entreprises espagnoles étaient bien moins compétitives que les firmes allemandes notamment dans lesquelles les salaires avaient relativement stagné depuis les années 90.

      b) Raisons externes (exposées brièvement)

            i) Le rôle de la crise financière

La crise financière en provenance de New York, entraine une crise économique mondiale par effet de contagion. Cette crise provoque une chute de la demande mondiale et donc une chute des exportations espagnoles. Trop d’offres, pas assez de demande, la crise mondiale atteint l’Espagne en 2008.

            ii) Le rôle de l’Union Européenne

Manque d’intégration économique, faible consommation en Allemagne qui pourrait pourtant relancer les exportations et l’activité économique des GIPSI (Grèce Italie Portugal Espagne Irlande), monnaie trop élevée, incohérence structurelle de la zone euro.

            iii) Le rôle des marchés financiers

Spéculation contre les GIPSI. L’Espagne emprunte sur les marchés financiers à des taux désormais beaucoup trop élevés du fait de la perte de confiance des marchés envers l’économie espagnole.

2/ Comment la crise s’est-elle manifestée en Espagne ?

     a) Conséquences financières : Eclatement de la bulle immobilière, faillites à répétition, et crise des dettes souveraines

Les banques espagnoles vont connaître des pertes sans précédents. Bankia par exemple a annoncé en 2012 une perte record de 18 milliards d’euros. Dans ces conditions l’Etat cherche à renflouer les banques pour éviter la même catastrophe qu’en 1929 (« too big to fail »,  Joseph Eugène Stiglitz). Le déficit étatique explose, c’est la crise de la dette souveraine.

       b) Conséquences économiques : Déflation incontrôlée et chute de la croissance

Les institutions financières bloquent l’accès au crédit pour les ménages et les entreprises espagnoles. L’Espagne se retrouve à court de liquidités alors que l’Etat, en crise de la dette, ne peut pas relancer la consommation (comme c’est le cas en Chine au même moment par exemple). Donc plus de consommation, plus d’investissements… Chute de la croissance et chute de la demande. Par conséquent chute de l’offre. Donc chute des salaires, donc chute du pouvoir d’achat des ménages. C’est la déflation.

       c) Conséquences sociales : desahucios, chômage, pauvreté, indignés, fuite des cerveaux

Cette chute de l’offre a pour corollaire une crise de l’emploi. Les entreprises sont obligées de licencier car l’offre a baissé. Le taux de chômage explose en Espagne dépassant les 26% (il dépasse même les 52% chez la population de moins de 25 ans).

Essor du phénomène des desahucios (personnes qui avec l’éclatement de la bulle immobilière ne pouvait plus rembourser leur crédit logement et se sont trouvées dans l’obligation de l’abandonner).

La pauvreté commence à gangréner l’Espagne. En 2013, selon Le Monde, un quart des ménages espagnols se trouvait sous le seuil de pauvreté. Précisons que par pauvreté il faut entendre ici un salaire inférieur à 60% du salaire médian espagnol.

Ces problèmes sociaux ont suscité l’ire de la population espagnole, qui s’est pressée en masse dans les rues pour contester un pouvoir corrompu (« chorizo », « que se vayan todos »,…). Ce sont Los Indignados, reprenant les idées de S.Hessel, le 15 mai 2011 (movimiento 15-M) ces indignés ce sont regroupés pour contester le système en place et entamer une révolution citoyenne. Le mouvement a eu des échos mondiaux et se poursuit aujourd’hui encore avec l’émergence de parti comme PODEMOS.

Par ailleurs, la jeunesse diplômée espagnole a du mal à trouver un emploi. Aussi est-elle de plus en plus encline à partir vers l’étranger. On assiste donc à une fuite des cerveaux vers l’Allemagne notamment dont la population décline fortement.

     d) Conséquences politiques : alternance politique et détonateur des velléités séparatistes en Catalogne

Cette crise a donc été un moment difficile pour l’ensemble de l’Espagne. Mais pour certaines régions plus que d’autres. Or face aux efforts que le gouvernement demandait pour faire sortir le pays de la crise le ministre catalan, en difficulté politique, y a vu un moyen d’exalter le ressentiment catalan envers le gouvernement national et a favorisé ainsi l’indépendantisme catalan par calcul politique. On aurait cependant tort de borner les velléités séparatistes catalanes à la crise économique, [Voir chapitre 3] cette dernière n’en demeure pas moins le détonateur.

Politiquement enfin, cette crise a favorisé l’alternance, le PSOE (gauche espagnol) a perdu les élections, le PP (droite espagnole) de Mariano Rajoy accède au pouvoir.

3/ Les conséquences actuelles de la politique du PP de Mariano Rajoy

        a) L’austérité

Des programmes d’ajustement structurel sont mis en place. Ils incluent la réduction du déficit public par une baisse des salaires des fonctionnaires, une hausse de la TVA, une chute des dépenses publiques (santé, éducation,…), une hausse des impôts, le tout pour pouvoir bénéficier du renflouement du FMI et de l’UE. L’austérité a également favorisé la sortie des capitaux vers l’étranger.

Dans son sillage l’austérité a accéléré l’appauvrissement de la population, la dépression économique, la chute de la consommation et de l’investissement ainsi que l’essor du phénomène des desahucios. Les manifestations contre le gouvernement Rajoy se sont multipliées d’autant plus que le PP est touché par de nombreuses affaires de corruption. [voir chapitre 2]

       b) Perspectives économiques et sociales mitigées

Les résultats peinent à se dessiner, même si l’Espagne renoue avec la croissance aujourd’hui et que les entreprises commencent à réembaucher le plus dur reste à faire, la société reste profondément marquée par ces 7 années de crise.

       c) Des alternatives viables ?

Chaque économiste a son idée en tête d’un point de vue macroéconomique. Selon Michel Aglietta il faudrait dévaluer l’euro, pour Paul Krugman il s’agirait d’aller vers plus d’intégration au sein de l’UE et obliger l’Allemagne à consommer pour relancer l’offre espagnole. Enfin du point de vue de Joseph Stiglitz, il s’agirait de mener un plan de relance de la consommation qui favoriserait la demande.

Des alternatives semblent également faire du chemin à l’échelle locale, avec la percée de l’économie sociale et solidaire notamment. Des fonds, comme FIARE – Banca Etica au Pays Basque, favorisent l’entrepreneuriat solidaire local. De nombreuses coopératives voient le jour… Et si l’heure était au changement de paradigme en Espagne ?

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