Définitions :

Planète nomade : par là nous entendons une planète en mouvement, c’est-à-dire dont les populations sont affectées par des déplacements nombreux, de motifs et d’échelles très variables.

Un migrant est toute personne ayant quitté volontairement son pays d’origine et est en chemin vers un autre, quelles que soient les raisons de son départ : raisons politiques, économiques ou culturelles. Il devient immigré lorsqu’il s’installe dans un pays tiers. Il est émigré par rapport à son pays d’origine.

Le mot migrant a une valeur neutre, il est privilégié désormais depuis une dizaine d’années par rapport à des termes comme sans-papiers, clandestins qui ont une connotation péjorative.

Naturellement, il ne faut pas confondre immigré et étranger. Ne sont considérés comme étrangers dans un pays que les individus qui n’ont pas la nationalité de cet Etat. Les immigrés naturalisés ne sont pas des étrangers.

En fonction de leur motivation de départ, on distingue les migrants économiques et les migrants politiques. Mais dans la pratique, la distinction n’est pas toujours aussi simple que cela. Par contre, pour les gouvernements, la distinction migrants économiques et réfugiés politiques est importante : les pays gèrent les migrants en vertu de leurs propres lois et processus en matière d’immigration, alors que les réfugiés relèvent du droit international.

Droit d’asile : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays ». Article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. La convention de Genève en 1951 a donné à cette protection une traduction en droit international public. Elle crée un statut de réfugié, donnant un sens à l’idée millénaire de droit d’asile, …mais n’a pas été signée par tous les Etats. L’Arabie et les Emirats pétroliers du Golfe Persique ne l’ont pas signé par exemple.

Un « réfugié » désigne un individu qui « craint avec raison d’être persécuté en raison de sa « race », de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques »  ( Convention de Genève de 1951).  Pour simplifier, on pourra parler de déplacés lorsque ces populations migrent seulement à l’intérieur de leur propre pays.

Le développement des migrations donne naissance à des diasporas. Le terme signifie la dispersion d’une population, mais on réservera son usage à des populations s’intégrant dans leurs pays d’accueil sans s’assimiler tout à fait, c’est-à-dire en conservant une conscience identitaire et en faisant vivre des réseaux qui lient ces groupes entre eux et avec la société d’origine.

Enjeux :

1 – La planète nomade : réalité ou illusion à l’heure de la mondialisation ? 

Les nomades traditionnels n’existent plus, populations jugées souvent subversives par les Etats qui les abritaient et qui ont cherché à les sédentariser, pourtant le nomadisme reste paré de valeurs positives et les sédentaires des pays développés rêvent de mouvement, même si ce n’est que dans leur camping-car…   Alors une planète nomade ? Jamais les hommes n’ont été aussi nombreux à se déplacer :  touristes internationaux (plus d’un milliard) où à l’intérieur de leur propre pays, migrations domicile-travail, migrations légales ou clandestines, étudiants à l’étranger… Jamais l’homme n’a eu autant de moyens à sa disposition pour se déplacer à des coûts qui ne cessent de baisser, et pourtant, les barrières mises en place pour contrôler les flux migratoires se complexifient sans cesse comme les contrôles existant sur les flux internationaux. Paradoxes d’une époque où la mobilité est réelle, grandissante, inéluctable. La mondialisation comme le fait remarquer Daniel Cohen permet l’indexation des aspirations de tous sur les conditions de vie, économiques , sociales et politiques d’un petit nombre : elle est un puissant stimulant des migrations.

2 – Les Etats par leurs frontières peuvent –ils arrêter les hommes ?

Les frontières délimitent l’étendue du territoire sur lequel un Etat exerce son autorité. Or les migrations comme le fait remarquer C. Withol de Wenden posent aux Etats deux enjeux majeurs : celui de leur souveraineté et de leur identité. Leur souveraineté est mise à mal par des frontières qui s’effacent (espace Schengen) ou qu’ils contrôlent mal. Les migrations apparaissent comme un instrument de dépossession de leur souveraineté. Face à eux, les systèmes migratoires qui se constituent entre les pays de départ et les pays d’accueil développent des routes qui changent au rythme des murs qui s’élèvent, ils sont animés par des passeurs professionnels qui renouvèlent sans cesse leurs pratiques. Les identités nationales sont également en question : acceptation ou non de sociétés multiculturelles, attachement affirmé au respect du droit d’asile ou repli sur une conception mono-ethnique de l’Etat et rejet de l’autre … C’est une question éminemment politique dont les Etats se saisissent avec prudence ou qu’ils instrumentalisent.

Mais pour le migrant, partir, c’est un geste de désespoir lorsqu’il n’y a plus d’alternative ; migrer, c’est voter avec ses pieds lorsqu’on ne peut s’exprimer autrement ; migrer , c’est le dernier espace de liberté : aucune frontière ne peut empêcher de partir. Dans notre monde contemporain, les hommes ont le droit de sortir, mais le droit d’entrée n’est pas donné à tous, là réside un des grands clivages au sein de la société mondiale.

3 – Les migrations : une indispensable soupape de sécurité dans le système international ?

Les migrations sont freinées alors qu’il y a des raisons de penser qu’elles sont indispensables à l’équilibre de notre système international.

  • Elles contribuent puissamment au financement des économies du Sud par les transferts de fonds effectués par les immigrés (plus de 500 mds de dollars en 2013) ; elles enrichissent les pays d’accueil par leur travail, l’apport de populations particulièrement flexibles, adaptables à un monde globalisé.
  • Elles contribuent à rééquilibrer le monde démographiquement : l’Europe vieillissante n’a que la perspective de voir sa population stagner tandis que l’Afrique atteindra 2 milliards d’habitants en 2050.
  • Ne peut on dire aussi que les migrations apaisent la violence du monde, en réduisant ses inégalités, en créant des passerelles entre les sociétés, en créant la confrontation à l’autre, en étant une soupape de sécurité pour des populations traumatisées par la guerre, la violence ou bientôt les dégâts liés aux évolutions climatiques ?

Repères

1, 1 milliard de touristes internationaux en 2014. Pour près de 10 % du PIB mondial et 30 % des exportations de services dans le monde. (La France demeure encore la première destination, avec 85 millions de visiteurs étrangers).

230 millions de migrants internationaux en 2014 soit 3 % de la population mondiale. Les principales migrations sont des flux Sud-Nord  (près de 100 millions), Sud-Sud (75), enfin Nord-Nord, et Nord-Sud (environ 40 millions chacun).

Le HCR (Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU) recense plus de 50 millions de réfugiés en 2014 dans le monde, dont 33 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Les Syriens qui ont quitté leur pays depuis le début de la guerre en 2011 sont 4, 3 millions (été 2015) sur une population initiale de 22 millions habitants. 1, 1 million vivent au Liban, pays d’un peu plus de 4 millions d’habitants.

Espace Schengen : 400 millions habitants, 26 pays.

40 000 décès de migrants dans le monde depuis 2000.  En 2014 : 5000 morts dont les 2/3 aux portes de l’Europe.

 

Quelques références :

Catherine Wihtol de Wenden, La question migratoire au XXIe siècle, Sciences Po ed. 2013.  Atlas des migrations, Autrement, 2012.

Rémy Knafou ( s.d.) La planète nomade, les mobilités géographiques d’aujourd’hui, Belin, 1998. Un titre ancien, des constats qui n’ont fait que se confirmer.

Anne BATTISTONI-LEMIÈRE

Anne Battistoni-Lemière enseigne la géopolitique en classes préparatoires ECS 1 et 2 au lycée La Bruyère de Versailles